Août 44, Sud de la France, souvenirs d'enfant
Août 1944, le Sud de la France fête sa Libération. Août 2023 : affiches dans les rues avec Jeep, guirlandes de fanions et pin-up. Souvenirs populaires de baisers volés, de distribution de chewing gums et de cigarettes...
Les témoins qui peuvent encore partager leurs souvenirs de ces jours-là ont leurs propres images. Tableaux gravés dans leurs yeux d'enfants : bombardements, maison soulevée de ses fondations, corps à corps sanglants, peur au ventre, règlements de compte mortels entre voisins. Le quotidien tendu de l'Occupation avait laissé place à quarante-huit heures de cauchemar. La violence de la guerre s'invitait dans ces beaux villages dont l'occupant avait profité. Le défilé victorieux de Forces Alliées, équipées de jeeps, chars et camions ponctua officiellement le départ des Allemands.
Curieusement, ces petits garçons des années 1940 n'idolâtrent pas leurs sauveurs, trop rustres et malpolis à leur goût. Des héros pas vraiment galants... Mais, au moins, la peur avait disparu, le sommeil et l'espoir faisaient leur retour dans les chaumières en ruine.
Parmi mes raconteurs, Paul reste marqué par les énormes roues des camions et les dimensions gigantesques des engins américains. Ce que les Français appelaient jusque-là camion se révélait, en fait, être des camionnettes. Fasciné par la colonne de ses immenses véhicules qui lui barraient son chemin devant l'école, il ne les quittait plus des yeux quand le dernier passa et n'a pas vu la voiture qui arrivait au moment de traverser. Un bond de quelques mètres dans les airs lui valut huit jours de repos dans le siège confortable de son père. Un trône patriarcal, en fait. Un privilège, que personne n'aurait osé imaginer dans la maisonnée. Un doux souvenir de la Libération... Plus doux que celui de son meilleur ami qui avait ramassé, après un défilé festif américain, un carré d'aluminium renfermant un objet mou et rond. Curieux, comme peut l'être un enfant devant un objet non identifiable, il s'en était allé demander à ses parents ce que ce pouvait être. Une grande gifle fut sa seule réponse. Au sortir de la guerre, rares étaient les familles qui expliquaient ce qu'était un préservatif. Faute de réponse, Paul et ses amis jouèrent à cœur joie à la bombe à eau !