Petit retour sur l'atelier d'écriture, expérience inattendue et très plaisante.
5 participantes,
3 consignes,
3 productions écrites dans l'instant, sans trop de reprises, puis lues et commentées librement, toujours avec bienveillance et respect. Tout cela dans une ambiance détendue et complice. L'une humoristique, l'autre incisive, l'autre sensuelle... à chacune son style et son univers.
Je ne pariais pas le moins du monde sur ma capacité à créer dans l'urgence. J'en suis ressortie rassurée, mon imagination n'a pas dit son dernier mot ! Ouf !
Pour vous faire un idée des « exercices » proposés, je vous partage le fruit de mon expérience.
1/ Écrire à partir de nos images de vacances idéales. Toutes mises en commun, 4 tirées au sort :
« sous les pavés la plage »
« Dolce Vita »
« de nouvelles expériences culinaires, relationnelles, culturelles et linguistiques »
« Ce guide est un vieil homme magnifique »
Assise à la terrasse ombragée d'un café de la place Saint-Marc, elle faisait le bilan de ce voyage qu'elle espérait salvateur. Après une année trop intense en projets et en remises en question, elle avait eu besoin de couper. Couper son rythme effréné, couper sa réflexion sans cesse en construction, couper la bande son de sa vie devenue trop forte. L'Italie et sa douceur de vivre lui semblaient être la promesse d'une pause délicieuse, à la hauteur de son besoin impérieux. Elle avait posé sa valise dans sa chambre d'hôtel en rêvant à de nouvelles expériences culinaires, relationnelles, culturelles et linguistiques.
La douce chaleur du premier matin lui offrit l'occasion d'une promenade près des canaux et elle avait ri en réalisant que l'expression « sous les pavés la plage » n'avait jamais été aussi réaliste et possible. Ce matin-là n'avait été que le début d'une parenthèse enchantée. Elle ne savait pas encore ce que la vie allait mettre sur sa route : des palais baroques porteurs de siècles d'histoires, des jeunes femmes compatriotes légères et drôles avec qui partager des repas, des regards séducteurs croisés dans le dédale de la ville... Ces quelques jours méritaient largement le label « Dolce Vita ».
A quelques heures de son retour, l'image la plus prégnante qu'elle emporterait dans ses valises serait ce vieil homme assis sur un banc de la place, salué chaque matin. Du salut protocolaire du premier jour aux sourires complices les jours suivants, il lui avait proposé de lui faire visiter la ville à sa façon : sa ville natale avec tous ses souvenirs d'enfant et de jeune homme. Alors qu'elle le suivait avec attention, écoutant toute la sagesse de ses expériences d'une vie simple et humble, elle avait conclu sa promenade en se disant : « Ce guide est un vieil homme magnifique ».
Le selfie qu'ils avaient pris ensemble trônerait sur son bureau comme un rappel quotidien d'une douce vie possible.
2/ Écrire l'avant ou l'après d'un extrait de Françoise Sagan.
« Nous aimions toutes 3 danser. Et chaque soir, de revêtir nos plus beaux atours encore sublimées par nos corps bronzés et nos chevelures brillantes, fins prêtes pour aller danser. »
Quand tu me demandes comment j'ai rencontré ton grand-père, je pourrais te raconter la version officielle, celle que j'avais donnée à mes parents : le bal du village, un rock joué par l'orchestre, ce beau jeune homme en vacances qui m'invite à danser, le coup de foudre...
Mais puisque la pudeur et le qu'en dira-t-on ne sont plus de mise, je m'autorise à te raconter l'histoire vraie de notre rencontre.
Nous étions jeunes et surveillées par nos pères, nos frères, nos voisins... Qu'un garçon s'approche et nos parents étaient prévenus dans l'heure. Nous jouions à ce jeu stupide des jeunes filles sages, dociles et convenues. En réalité, nous n'étions pas ces jeunes filles-là que tout le monde appréciait. L'été venu, nos familles bien occupées aux moissons et autres travaux agricoles, nous réussissions à nous soustraire à leur regard quelques courtes heures, prétextant lire les ouvrages demandés par nos professeurs de français. L'une prenait la mobylette de son frère, l'autre une bouteille de vin de son père ivrogne et moi, je volais quelques cigarettes à mon oncle. Nous nous retrouvions discrètement derrière la grange de la maison pour prendre la poudre d'escampette, direction la calanque. Nous avions enfin notre moment de liberté pour fumer, chanter ces chansons venues d'Amérique condamnées par nos parents, pour rire de nos flirts secrets ou pour nous baigner nues, loin de tous les hommes du village. Un jour pourtant, une silhouette au loin nous intrigua. Il était là, le plus beau garçon que je n'avais jamais vu. Que faisait-il ici à l'heure où tous les bras virils du village trimaient ? Nous étions si peu vêtues, un peu pompettes, riant sans retenue. Il vint vers nous, pas gêné le moins du monde, nous demander le chemin du cabanon qu'avaient loué ses parents pour l'été. Nous avons discuté de Paris, où il vivait, de sa modernité et de ses débauches autorisées le soir venu. Mes amies retournèrent se baigner alors que nous continuions de discuter de sa passionnante vie parisienne. La tentation était trop forte. Ce long baiser, je savais qu'il me coûterait cher, qu'il salirait ma réputation si le village l'apprenait, mais est-on vraiment raisonnable à 17 ans ?
La cloche sonna les vêpres, les hommes allaient rentrer des champs. Notre moment de liberté touchait à sa fin, il nous fallait retourner à notre carcan. Nous avons donné rendez-vous au bal du soir à notre nouvel ami parisien.
Cette semaine de fête votive nous offrait chaque soir un bal. Toutes les familles se mettaient sur leur trente-et-un. Les vieux, pour nous surveiller depuis le bord de la piste. Les jeunes, pour trouver l'amour de leur vie. « Nous aimions toutes 3 danser. Et chaque soir, de revêtir nos plus beaux atours encore sublimées par nos corps bronzés et nos chevelures brillantes, fins prêtes pour aller danser »
Je savais que j'allais le retrouver, jouer la jeune fille prude, et lui, le touriste poli et galant. Cela plairait à mes parents. Mon pari fut réussi, le plan fonctionna. Une belle histoire d'amour allait naître sous leurs yeux. Mais chut ! Garde mon secret, ta mère a toujours cru que j'étais une femme prude et coincée !
3/ Écrire court à partir d'une collection de mots sortis sans réfléchir de nos têtes :
Euh, bœuf, pomme, livre, grenouille, Avignon
Dans ce livre présentant le Festival d' Avignon, je n'ai pas compris pourquoi je trouvais la photo d'une grenouille perchée sur une pomme, gobant un bœuf qui meuglait dans une bulle un simple « euuuuuuuh » ! Étrange Festival !