Comment, pourquoi ont-ils choisi de vivre du théâtre?
De retour dans les remparts de la ville, parmi les troupes costumées et bruyantes, les tracteurs beaux-parleurs et les festivaliers endimanchés, au cœur de ce tumulte festif, je pars à nouveau à la rencontre des comédiens et comédiennes du festival.
Cette année, je participe à l'accueil des artistes invités à présenter leur spectacle, en direct, au studio plein air de la radio RCF Vaucluse pour la quotidienne Les Midi du Festival. Les cloches sonnant l’Angelus ouvrent chaque émission et attestent du direct. Hors plateau, je demande aux invités du moment de me raconter ce moment précis où ils ont choisi la scène pour métier, avec toutes les incertitudes que cette carrière implique. Vais-je entendre des anecdotes surprenantes, touchantes, instructives ? Je vous partage quelques-unes de ces premières rencontres de la semaine d’ouverture, des parcours tous différents et pourtant tous animés par la même motivation dévorante. Après la quarantaine de rencontres réalisées pendant le Festival 2024, je ne pensais pas débuter cette saison avec une rencontre si surprenante, celle du premier invité de l’émission !
Louis, ou l'échec devenu une révélation
Deux jeunes femmes portant une perruque et un imper dignes du Crazy Horse promenaient aux alentours de notre studio, encadrant un monsieur souriant et discret. L'homme serra la main du producteur et prit place sur le fauteuil de l'invité. Dans le micro résonna un accent chantant. Il est franco-brésilien. Il présenta sa pièce, « une dystopie loufoque sur l'installation et la fascination de la peur dans la société. »
C'est avec la même jovialité de sourire et d'accent qu'il répondit à ma curiosité en quatre mots : « C'est le hasard ». Parti s'inscrire dans une école de cinéma puis dépité d'y être refusé, il s'asseya sur un banc pour réfléchir à son avenir. Devant lui s'ouvrait la porte d'une école de théâtre. Elle pouvait être une solution de repli, pour occuper l’année qui arrivait. Finalement, il ne quitta plus jamais le monde du théâtre, trop intéressé par les cours et les ateliers. S’il a longtemps gardé un sentiment d’imposture, du comédien débarqué sur scène un peu par hasard, se demandant souvent s’il allait continuer, un projet après l’autre, il n’eut finalement pas l’occasion de renoncer. C'était il y a bien longtemps, et aujourd'hui la question de la légitimité ne se pose plus ! Raconter des histoires, faire vibrer et réfléchir des spectateurs à quelques mètres de la scène est devenu son évidence.
Pour votre bien, Fabrik théatre, 19h30
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Odile, ou la chance d'une MJC
Je reconnus le titre de l'affiche portée au bout d'un pic pour en avoir discuté avec une amatrice du festival. Heureux hasard, la porteuse d'affiche était notre prochaine invitée. Un accent créole dénota d'une origine outre Atlantique. Elle joue avec sa compagnie, Le Grand Théâtre de Guyane, une pièce à la croisée de la culture créole, de la spiritualité et du féminisme.
A ma question, sa réponse fut courte et rapide. « J’ai toujours voulu être comédienne. » Elle raconta ce jour où elle fut la seule collégienne de sa classe à oser lever un bout de doigt quand le professeur proposa de suivre l'atelier de théâtre de la nouvelle MJC ouverte à Kourou. Si le département est riche d'une culture ancestrale et multiethnique, peu d'activités étaient pensées pour les jeunes guyannais. Curieuse et ravie de pouvoir enfin participer à un projet sortant de l'ordinaire, elle sauta sur l'occasion. Sans le savoir, une porte inespérée s'ouvrait pour elle. De projets en scènes, le goût du jeu imprégna sa personnalité de jeune femme en construction. Arrivée très jeune en métropole, elle découvrit les portes accessibles au concours du conservatoire national de Bordeaux. Remarquée et retenue, elle y apprit les bases de la comédie professionnelle. Tentant sa chance, comme beaucoup, à Paris, elle fut vite étonnée puis contrariée d'attendre qu'on lui propose des projets correspondant à sa couleur de peau. Ce frein-là n'avait jamais existé à Bordeaux. Alors, devant si peu de propositions, elle décida de créer elle-même ses propres occasions de monter sur scène avec sa propre compagnie constituée de femmes de toutes origines. Pour elle, la vie est riche de possibles portés par nos rêves, il est important de les écouter et de se mobiliser pour les rendre réels ! Enfant très éloignée de la culture théâtrale, dans un département sans conservatoire, loin de la métropole, un atelier de MJC locale, puis la chance d'un conservatoire ouvert à tous lui ont permis d'y accéder. Sa détermination a fait le reste !
Laudes des Femmes des Terres Brûlées, chapelle du verbe incarné, 18h15
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Ludovic, ou le coup de pub
Un roi en cape et une reine en robe corsetée observaient le plateau en fin d'enregistrement. C'est une scène qui n'étonne personne dans les rues de la ville pendant ces trois semaines si particulières. Leur affiche, façon carte de jeu, montre une reine en armure et en robe, sensuelle autoritaire. Aliénor.
Sa couronne posée sous le bras, le jeune roi vêtu de velour me raconta le destin romanesque de cette reine médiévale historique, à la personnalité très moderne pour l'époque. Leur mise en scène loufoque nous offre l'occasion de dépoussiérer son histoire. Le comédien accepta de se prêter à ma question.
Son premier rêve avait bien une scène pour décor mais elle supportait des musiciens, des danseuses, lui et un micro. Parmi ses petits boulots d'étudiant en école de comédie musicale, le tournage d'une publicité pour un opticien fut une révélation. Assez objectif quant à ses lacunes en chant, l'ambiance du plateau, les directives de jeu, le travail des intentions furent une découverte des plus stimulantes pour sa personnalité fantasque et clownesque. Dès lors, la formation en théâtre devint son unique objectif. De cours en conservatoire, il joue depuis deux ans dans une compagnie et ne compte pas changer de voie professionnelle ! « Les embuches jalonnent tous les métiers, alors autant faire ce qui nous plait, quitte à y revenir quand ce sera le bon moment. Loui de Funes a bie connu le succès sur le tard ! Tout est possible ! »
Alienor, Théâtre de l'Ange, 16h
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Cette première semaine touche à sa fin, bercée par une ambiance calme et joyeuse. Les troupes déambulent avec le sourire, chantent, dansent, déclament, avec ou sans costume. Les festivaliers cherchent les théâtres, compulsent l'énorme catalogue réunissant les quelques milliers de pièces de tous genres. Les cigales cymbalisent doucement, la douce chaleur ne les excite pas. La semaine prochaine s'annonce plus chaude et le jour férié favorisera la venue de festivaliers pus nombreux. Et nous, nous serons toujours à l'ombre de l'église Saint-Didier, sous les platanes, heureux de rencontrer des comédiens et comédiennes passionnés !
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