Quand ça ne veut pas....
Pierre, résolu à quitter Chicago, ne se voyait pas rentrer en France, pas tant qu'il n'avait pas tout tenté ! Il reposa ses valises dans un hôtel de Manhattan, le 9 novembre 1965. Une date mémorable pour les New-Yorkais. Sept ans s'étaient écoulés, le syndicat avait eu d'autres mauvais payeurs à fouetter depuis sa fuite. La ville était bien assez immense pour trouver du travail loin du quartier sensible. L'après-midi même, un contrat était signé dans une brasserie au sous-sol d'un célèbre gratte-ciel.
Après cette embauche, une petite sieste à l'hôtel s'annonçait profitable car un rendez-vous important l'attendait pour la soirée. Un rendez-vous avec son passé français, un amour de jeunesse qui n'avait pas accepté son billet pour traverser l'Atlantique avec lui. Elle était là, de passage dans la Grande Pomme avec sa famille.
Mignonne histoire, mais attendez de lire la suite. Parfois le destin vous met de surprenantes embûches sur le chemin.
Endormi quelques temps, il rouvrit les yeux en fin d'après-midi, surpris par l'obscurité ambiante. Pas de jus dans l'interrupteur… Pas une lumière, dans la ville qui ne dort jamais ?
Décidé à en savoir plus, il parcourut les couloirs obscurs et descendit les escaliers des sept étages pour se renseigner à l'accueil. Quelle stupeur de découvrir dans le hall de réception, des personnes allongées au sol prises de panique, certaines hystériques, d'autres murmurant leur inquiétude! La scène était à peine éclairée par la lueur de quelques bougies et de quelques phares de voitures passant dans la rue. Devant ce désordre pesant, impossible de ne pas repenser à la guerre, ou de craindre que la guerre froide n'ait connu sa première attaque. Dehors, les flics organisaient la circulation avec leurs flash-lights ou aidaient les usagers à évacuer le métro par les sorties de secours, d'énormes trous dans la chaussée. Dans le noir épais, au fond des tranchées entre les gratte-ciels qui cachaient la lumière des étoiles, les New-Yorkais se sentaient condamnés dans un gigantesque tombeau.
C'était juste incroyable ! Personne ne comprenait ce qu'il se passait, ni combien de temps cette histoire durerait. Et bien, ça ne faisait que commencer! La ville traversa une nuit complète de murmures et d'angoisses. Le courant n'est revenu qu'au petit matin.
Une étrange nuit, mémorable, la plus calme de l'histoire du crime new-yorkais selon les statistiques de la police ! Ce premier grand black out était dû à l'explosion d'une centrale électrique au Canada !
Ainsi le destin avait-il décidé, par un spectaculaire évènement inattendu, que le repas de retrouvailles, ne se ferait pas, avec regret... Pas de téléphone portable pour se donner à nouveau rendez-vous, ni de téléphone classique d'ailleurs. L'un et l'autre ne sachant pas dans quel hôtel ils logeaient, les retrouvaillés étaient ratées pour de bon. Elle rentrerait sous peu en France et lui, continuerait sa nouvelle vie dans cette gigantesque mégapôle.
La Providence avait mis le paquet pour les y en empêcher!
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